28 janvier 2008
Cauchemar à Wanaka
Je passerai la description des paysages splendides que nous avons pu admirer tout au long de ce périple, nombre d'écrits vantent les beautés de la Nouvelle-Zélande, et les louanges de l'île du Sud ne sont plus à faire. Il faut dire qu'au long de douze millions de kilomètres que nous avons certainement dû parcourir en voiture pour atteindre les sites "ab-so-lu-ment immanquables", nous avons eu le temps de les voir, les montagnes.
De Queenstown, bourgade nichée au bout d'un lac, farcie de motels et de boutiques à touristes, nous avons gaillardement pris la route en direction du lac Wanaka, réputé entre autres pour la pêche. Il était bien entendu que ce serait LA journée de Monsieur P., consacrée à son dada, pendant que moi-même et les rejetons nous occuperions de notre côté.
Le soir de notre arrivée, nous avons remarqué une agitation particulière en ville (enfin, en village, s'agissant d'une rue toute droite remplie uniquement de magasins de sports, derrière laquelle on trouve les rues garnies en majorité de motels), et après renseignements pris auprès de notre aimable motelier, nous avons appris que le lendemain aurait lieu un événement sportif, le Triathlon de Wanaka. L'information ne nous a pas émus outre mesure, et nous sommes allés benoîtement manger notre salade de tomates avant de goûter un repos bien mérité.
Ah oui, mais un triathlon, ça prend du temps. Ça prend toute une journée à faire. Et le plus tôt on le commence, le plus tôt c'est terminé. Monsieur de La Palice n'aurait pas pu dire mieux. Et les néo-zélandais, qui sont gens logiques et organisés, en général sportifs accomplis sachant que l'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt, l'ont bien compris.
Aussi, dès 6h ce matin-là, un gaillard animateur a empoigné son micro et informé les populations à cinq kilomètres aux alentours du grrrrrrrand départ du triathlon de Wanaka. Quand on dort à deux cents mètres du podium, on est vite au courant. On peut applaudir le sérieux des organisateurs, car le départ prévu à 7h a bien eu lieu à l'heure dite. On a très bien entendu aussi l'hélicoptère de la télé qui couvrait l'événement.
Monsieur P. ayant poursuivi son programme halieutique incluant l'utilisation de notre véhiculer terrestre à moteur, c'est à pied que ma marmaille et moi avons fui les festivités (car faire partir plus de neuf cents participants prend du temps) pour nous rendre dans un parc de jeu distant de trois kilomètres de la ville. Comme à son habitude, Li, qui avait commencé la promenade avec bonne volonté, à renoncé à marcher au bout d'un kilomètre environ, s'asseyant (à l'ombre) et poussant des hurlements déchirants à mon intention, accompagnés de vraies larmes de crocodile, tout en adoptant l'attitude et la physionomie de Cosette avant d'aller puiser de l'eau dans le noir.
La loi néo-zélandaise m'interdisant de battre comme plâtre mon enfant, j'ai continué à marcher comme si de rien n'était, pendant que les cris de Li attiraient des golfeurs certainement persuadés d'être témoins d'un abandon d'enfant. Elle quand même fini par retrouver l'usage de ses jambes et nous avons pu passer une matinée au calme.
J'avais presque oublié ce triathlon; pourtant, dans le taxi du retour (pas envie de ramasser Li tous les cinq mètres), on en croisait encore, des vélocipédistes ornés d'un coquin dossard sur les fesses, (un fessard, quoi), ahanant sous le soleil. Quelle pitié.
L'après-midi s'est déroulée dans une atmosphère de foire du Trône, sans les manèges mais au son de la voix enthousiaste et décuplée des joyeux animateurs, pleins d'une énergie inépuisable pour annoncer les arrivées successives des valeureux sportifs qui venaient d'avaler plus de cent kilomètres à vélo, suivis de cinquante et quelques kilomètres à la nage, pour terminer en beauté par quarante deux derniers kilomètres en courant. Ceux qui n'avaient pas succombé à une crise cardiaque étaient accueillis en fanfare, j'ai suivi de près et avec un désespoir inénarrable le déroulement de l'épreuve.
Nous avons aussi appris le nom et la nationalité du vainqueur de l'épreuve. J'ai oublié son patronyme, mais l'animateur, qui devait être en pleine randonnée dans la montagne aux alentours du 9 novembre 1989, nous a informés qu'il venait d'Allemagne de l'Ouest. C'est vrai que les points cardinaux comptent, en Nouvelle-Zélande, on est du Sud ou du Nord, alors ça doit être pareil en Allemagne, sauf que c'est l'Est et l'Ouest.
Les derniers triathlonneux, cuits par le soleil, hypoglycémiques et déshydratés, mais heureux d'avoir pédalé, nagé et couru toute la sainte journée, sont arrivés sous les hourras de la foule vers onze heures du soir. Un feu d'artifice bon enfant a clôturé les festivités, quelques pétards colorés et au lit pour une bonne nuit de repos.
Le silence nous a surpris. J'ai enfin pu desserrer les mâchoires, décrisper mes mains soudées aux accoudoirs de mon siège, et tous mes muscles tétanisés se sont finalement relâchés, pour jouir du bonheur suprême du silence nocturne au fin fond de la Nouvelle-Zélande.
Une chance sur trois cent soixante-six cette année. C'est juré, j'achète un billet de loterie demain.
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